En ce début de printemps trop sec, qui annonce un nouvel été de sécheresse et de canicules, un climat répressif s’installe en France et cela doit nous inquiéter. La crise climatique qui vient se conjugue à une crise sociale et une crise démocratique alimentés par le gouvernement : violences institutionnelles à coup de 49-3, violences politiques avec des écoutes illégales d’élus (écologistes), violences physiques disproportionnées enfin dans les stratégies de maintien de l’ordre déployées par la police et la gendarmerie à la demande du gouvernement, notre démocratie est en train de glisser lentement vers l’autoritarisme.
Samedi 25 mars dernier, nous avons franchi un nouveau pas, nous nous sommes réveillés avec un goût amer dans la bouche. Après une semaine de dérapages, de violences des forces de l’ordre dans les manifestations contre la réforme des retraites (un syndicaliste qui perd son œil, des témoignages d’agressions sexuelles par des policiers à Nantes, des vidéos des brigades motorisées humiliant et multipliant les insultes homophobes envers de jeunes manifestants…), c’est à Sainte-Soline que le gouvernement a déchaîné des violences d’Etat envers des manifestants très majoritairement pacifiques…
La doctrine de maintien de l’ordre, lors de cette manifestation a été, semble-t-il, de considérer tous les manifestants comme des délinquants sur lesquels les forces de l’ordre pouvaient tirer des balles de LBD et des grenades de désencerclement. Il fallait empêcher coûte que coûte qu’une nouvelle ZAD voit le jour, quel qu’en soit le prix humain…pour ne surtout pas être contraint au dialogue.
Résultat, des militants blessés par dizaines et deux personnes dans le coma, entre la vie et la mort. Des élus qui ont dû faire barrage avec leurs écharpes tricolores pour protéger des blessés face aux unités mobiles d’intervention. Des militants gisant dans leur sang pendant des heures en attendant la venue des secours. Un député européen étonné de voir au-dessus de sa tête, sur une photo, une grenade de désencerclement tirée en cloche. « Elle n’est pas passée loin celle-là ! » : commentaire surréaliste de citoyens et d’élus ayant subitement atterris en zone de guerre, sidération d’un peuple de l’écologie plongé dans une violence gouvernementale patiemment planifiée.
La France pointée du doigt pour sa répression des luttes
Et cette semaine, le monde entier regarde la France piétiner les droits de l’homme. Les rapports s’accumulent : Amnesty International, la Ligue des Droits de l’Homme, l’ONU mettent en cause la doctrine du maintien de l’ordre en France, documentent des violences policières inacceptables. La France est rappelée à l’ordre par la Commission européenne. Mais le gouvernement reste droit dans ses bottes. Dans une République née des luttes sociales, on est en droit d’attendre une attention toute particulière du gouvernement pour protéger le droit de manifester.
Sur les réseaux sociaux, les vidéos se multiplient. A cela, la fachosphère et le gouvernement en cœur justifient par tous les moyens la violence d’Etat, y compris par la mauvaise foi et le mensonge. Mais cette violence disproportionnée n’est pas justifiable. Un manifestant pacifiste ne peut être mis en danger (de mort ou d’amputation) parce qu’un casseur violent est à quelques dizaines de mètres de lui et envoie un projectile ou des feu d’artifices sur des forces de l’ordre. Lors d’une manifestation, les victimes collatérales ne sont pas acceptables ! Et même le casseur ne doit pas être mis en danger de mort par les forces de l’ordre chargées de l’interpeller. La peine de mort a été abolie dans notre pays : une grenade de désencerclement dans la tête pour réponse n’est pas acceptable. L’Etat ne peut répondre à la violence par la violence. Mais pour celà il nous faut une nouvelle doctrine de maintien de l’ordre. Ce qui est possible dans d’autres démocraties doit l’être ici, la France n’est pas obligée d’avoir une des polices les plus violentes du continent.
Armes de guerre, brigades mobiles : il est temps de réformer le maintien de l’ordre en France !
Les amputations, les yeux crevés se sont multipliés depuis l’utilisation de LBD. Plusieurs personnes ont été amputées, sont mortes ou on faillit mourir à cause de grenades de désencerclement. C’est que LBD et grenades de désencerclement ne sont pas adaptées dans les situations de maintien de l’ordre. Ils doivent être interdits par la loi. Le Défenseur des Droits demande d’ailleurs depuis 2018 « de retirer les lanceurs de balles de défense de la dotation des forces chargées de l’ordre public ».
Les BRAV-M (Brigades de répression des actions violentes motorisées) sont aujourd’hui mises en cause dans de nombreuses affaires de violence policière. Difficiles à contrôler, ces unités ne correspondent pas à ce qu’on attend d’une police républicaine. Ces unités mobiles doivent être dissoutes comme l’ont été les voltigeurs de Pasqua en leur temps. C’est l’objet d’une pétition ouverte sur le site de l’Assemblée nationale, et qui a recueilli déjà plus de 180 000 soutiens.
Nous savons que l’erreur humaine existe que le stress des manifestations entraîne un état particulier chez les manifestants et les forces de l’ordre. Le rôle de l’Etat est de définir des règle qui permettent aux manifestants pacifiques de s’exprimer et aux force de l’ordre de contrôler la violence, avec le moins de risque possible pour les uns et les autres, il faut donc supprimer les outils (LBD, grenades, BRAV-M) qui favorisent cette escalade de la violence, qui permettent des dérapages grave voire mortels. Il faut mettre en place une doctrine de maintien de l’ordre public de la désescalade.
Ce sont des choix techniques, tactiques qui feront baisser le niveau de violence. Ce n’est pas forcément simple à mettre en place, mais c’est un chantier essentiel. Et nous ne pouvons continuer cautionner la dérive qui s’installe depuis la crise des gilets jaunes et les dizaines d’hommes et de femme mutilés, alors que la violence policière semble devenir un mode de gouvernement pour faire taire la contestation.
Une autre question interroge : pourquoi interdire les casques et lunettes de protection aux manifestants quand la presse peut s’en revêtir, que les forces de l’ordre le font. Comment justifier qu’un manifestant pacifiste qui risque d’être pris dans une scène de violence, avec laquelle il n’a rien à voir ne puisse pas se protéger d’une grenade de désencerclement ou d’une balle “perdue” de LBD?
La qualification d’arme par destination ne peut s’élargir à des lunettes ou des casques. En réalité, en attendant de mettre en place une doctrine de maintien de l’ordre qui protège vraiment les manifestants, en attendant d’interdire LBD et grenades de désencerclement, le recours à de tels équipements pour tous (casques et lunettes de protection) semble tenir du bon sens. On ne fait pas d’escalade sans casque quand des cailloux peuvent tomber des falaises, on ne bricole pas sans lunettes de protection… aller dans un lieu où des grenades et des éclats peuvent voler sans casque ni lunettes ne paraît franchement pas une bonne idée ! A moins que la doctrine soit désormais résumée en : “si vous ne voulez pas être blessé, ne manifestez pas”. Le dire ou le penser, c’est basculer dans un tout autre type de régime politique.
La bonne stratégie pour maintenir pour maintenir l’ordre ? Ouvrir le dialogue et cesser le passage en force !
Ce sont des choix politiques aussi qui feront baisser le niveau de violence dans les mobilisations : Quand le Ministre de l’Intérieur décide d’envoyer des milliers de policiers dans un champ pour protéger un trou dans la terre, c’est le choix de l’escalade et de la confrontation violente qui est fait. C’est une erreur politique ou une manœuvre de diversion.
Pour le gouvernement, tous les moyens sont bons pour casser les luttes sociales et environnementales avant qu’elles ne se nourrissent l’une l’autre : servir un modèle sociétal qui favorise le capital, tuer un modèle de retraite par répartition, faire payer les travailleurs, soutenir un modèle agricole productiviste qui accapare l’eau de plus en plus rare face au changement climatique. Cette politique s’inscrit sur les deux faces d’une même pièce, un libéralisme aveugle au changement climatique, sourd aux protestations des travailleurs.
Cette petite musique qui tend à faire du militant écologiste le nouveau bouc émissaire, s’installe doucement et elle doit nous inquiéter : quand une assemblée du conseil régional se tient à huis clos parce que les Renseignements généraux indiquent à son président un risque d’action écoterroriste, (en réalité, deux militant de Greenpeace venus distribuer des tracts à l’entrée pour sauver les zones Natura 2000 de la région), ce n’est pas normal. Une institution démocratique ne peut se transformer en bunker (embauche de vigiles par dizaines, barrières de sécurités…) face à des risques fantasmés ! Quand deux hommes se retrouvent dans le coma car ils s’opposent à l’accaparement de la ressource en eau, ce n’est pas normal ! Ce n’est pas contre les militants écologistes que le gouvernement doit concentrer ses forces, mais contre le réchauffement climatique et ses effets! Ce qui nous inquiète, c’est que face au mur de la crise climatique et sociale, le gouvernement se crispe, prend un virage autoritaire.
Une question fondamentale se pose : dans le monde d’Emmanuel Macron et de Laurent Wauquiez, a-t-on encore le droit de s’opposer et de manifester ? A-t-on le droit d’exprimer un désaccord sans être traité de terroristes ?
La dissolution des “Soulèvements de la terre” : une faute politique grave
Plutôt que de s’attaquer de front à ce problème, le gouvernement préfère rejeter la faute ailleurs. Ce mardi c’est sur les Soulèvements de la terre responsables de la violence selon G. Darmanin. Alors que le peuple était dans la rue pour manifester contre la réforme des retraites, alors que ces unités de la BRAVM donnaient en direct une piètre image de la police, alors que de nouvelles images de violences tournaient en boucle sur les chaînes d’info, G. Darmanin a choisi d’engager une procédure de dissolution contre les soulèvements de la terre !
J’ai signé le manifeste de constitution des Soulèvements de la Terre. Et je n’accepte pas cette dissolution. Elle est antidémocratique. Dissoudre pour faire disparaître la contestation est indigne. Nous comprenons que le gouvernement a décidé de mener une guerre au peuple de l’écologie et cela doit cesser. Qualifier les militants écologistes d’éco-terroristes ou de groupuscules d’ultra-gauche, pour masquer le fiasco d’une doctrine de maintien de l’ordre, pour ne rien changer face à la crise climatique n’est pas acceptable et ne permettra pas de maquiller la justesse des luttes, la nécessité de la transition.
Jeudi soir 30 mars à 19h les collectifs Bassines Non Merci, Les Soulèvements de la Terre et la Confédération paysanne, appellent à des rassemblements devant toutes les préfectures du pays, « pour la fin des violences policières ». Je soutiens ces rassemblements, parce que lutter contre les violences policières, c’est sanctuariser le droit à manifester, un droit qui s’appuie en France sur de nombreux droits fondamentaux : droit à la liberté d’expression, droit d’association, droit d’aller et venir,… Les forces de l’ordre sont elles aussi garantes de notre droit à manifester. Nous sommes en droit d’exiger d’elles un comportement exemplaire. Parce que seul le dialogue doit répondre à la contestation sociale, seule la concertation permet de prendre les décisions justes en matière environnementale !
Ni la violence institutionnelle, ni la violence policière ne sont acceptables. En république, on ne peut gouverner contre le peuple, on doit gouverner avec.